Géometries Variables

Une proposition de Eva Nielsen avec Morgane Fourey, Simon Nicaise, et Aurélie Sement.





GEOMETRIES VARIABLES


C'est l'équation non résolue, la donnée perturbée, la certitude perdue. Après tout, qu'est- ce qu'un rapport de géomètre, si celui-ci relève sans arrêt d'une variable, élément dont on ne peut s'affranchir, casse-tête des architectes ? Le rêve du peintre, le désir secret du sculpteur, l'espoir fou du vidéaste : contrôler, faire plier, maîtriser entièrement les données du problème. La variable, c'est finalement sa rédemption. La variable, c'est justement tout ce qui se trouve dans une autre sphère, bien plus intéressante que les plans établis : c'est ce qui aboutit à l'existence propre de la sculpture, de la peinture, et bien sûr du bâtiment, quel qu'il soit.

L'exposition qui vient conclure ma résidence de trois mois au sein du PLOT se nourrit de ce constat. Les oeuvres retenues ont ceci en commun qu'elles sont à la fois une lutte pour encadrer la réalité,  et lui donner une forme définie, tout en étant sincèrement conscientes du leurre de cette démarche. C'est l'un des fils conducteurs du travail mené par Morgane Fourey ces dernières années : ces bûches, trop parfaites pour être vraies, démontrent la faillite du contrôle, ces colonnes et éclats, fragments peints d'un intérieur, se défont de l'original pour affirmer leur existence propre. La sculpture présentée ici, IPN, est l'incarnation même du glissement vers l'absurde : la construction solide ne peut se faire au risque de s'effondrer... l'IPN n'en est que sa représentation, le contenu est tronqué. Simon Nicaise ne nous tire pas non plus d'affaire : son Rond Carré est une élégante injure au travail méticuleux du géomètre. L'outil se délite, s'affranchit, ouvre des nouveaux horizons qui dépassent la main. C'est à la fois la solution et le problème posé C'est une constante dans son travail : un rappel de l'absurdité du quotidien, certes, mais surtout l'affirmation d'une réalité transversale, un interstice qui permet le surgissement d'autre chose. C'est au regardeur de résoudre la partie manquante de l'équation. Aurélie Sement insinue à son tour un doute sur la validité des lois de la géométrie. De prime abord, l'impression d'un élément ordonné apaise notre oeil, lui donne des cloisons, des repères, des certitudes. Cela s'éffondre de plus belle : les murs ne sont que temporaires, les techniciens vont et viennent - échappant à notre contrôle... cependant, les images qui émergent sont bien plus rassasiantes que l'illusion de contrôle initial. La variable a donné naissance à des tableaux construits, des nouveaux segments qui se désolidarisent du schéma pour affirmer leur nécessité.

Enfin, les peintures et les photographies que je présente au PLOT prennent un parti double : conscientes des strates, de l'organisation, de l'agencement qu'elles figurent, elles se placent néanmoins comme repères fuyants et infidèles sous le regard du visiteur. Elles sont le produit de mes pérégrinations rouennaises, et des perspectives, trompeuses, qui ont retenu mon attention, au sein du réseau des  nombreux monts qui ceinturent la ville. Là encore, la géomètrie des lignes et des formes est perturbée par la variable, ô combien fascinante pour le peintre : la lumière.


Eva Nielsen


Morgane Fourrey, IPN, 2009,
Simon Nicaise, Rond Carré, 2010,
Aurélie Sement, Derrière les panneaux il y a des hommes, 2010, dyptique vidéo
Eva Nielsen :
Les Pôles,
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Morgane FOUREY (1984), diplômée de l'Ecole des Beaux-arts de Rouen, vit et travaille entre Paris et Rouen. Son travail a été montré lors d'expositions monographiques à la Störk Galerie, à la MAM Galerie et à l'Abbatiale. Elle a participé à plusieurs expositions collectives incluant le Commissariat à Paris, Micro Onde à Velizy-Villacoublay, le 104. Ses oeuvres ont été selectionnées pour le Salon de Montrouge, Jeune Création et la Biennale de la Jeune Création à Houilles. Elle est actuellement en résidence à Pollen, Montflanquin, qui lui consacrera une exposition personnelle.

Simon NICAISE (1982), diplomé de l'Ecole des Beaux-arts de Rouen et de l'ARBA (BE), vit et travaille entre Paris et Rouen. Il a participé à de nombreuses expositions depuis 2007 incluant le Panorama de la Jeune Création à Bourges, la PM Gallery à Berlin, la Darse à Genève, le 104 à Paris, Mains d'Oeuvre à Saint-Ouen et le Musée d'art moderne de Paris. Lauréat du Prix Science-Po pour l'art contemporain en 2011, il a développé son travail à travers différentes résidences, incluant Suddenly Last Summer en 2010 et la Cité Internationale des Arts. Son travail est représenté par la galerie Dominique Fiat à Paris qui lui consacre une expostition monograhique à la rentrée 2012.

Eva NIELSEN (1983), diplômée de l'Ecole des Beaux-arts de Paris et de Central Saint Martins (Bourse socrate), a participé à plusieurs expositions depuis 2008, incluant le Stand à Lyon (Xe biennale de Lyon), Point de Fuite (Printemps de Septembre), Mendes Gallery à Sao Paulo, le 104 à Paris, le Musée d'Art Moderne de Moscou, Plataforma Revolver à Lisbonne, et l'Abbaye Saint André (CAC Meymac). Lauréate du Prix Thaddaeus Ropac organisé par les amis des Beaux-arts en 2009, elle est représentée par la galerie Dominique Fiat qui lui a consacré deux expositions personnelles. En 2012, son travail sera présenté au sein de l'exposition Babel au Palais des Beaux-arts de Lille et au centre LKV en Norvège.

Aurélie SEMENT (1981),  diplômée de l'Ecole des Beaux-arts de Rouen, vit et travaille à Rouen. Elle a récemment montré son travail au sein de plusieurs expositions : au CCF Phnom Penh (Cambodge), à l'Espace d'art contemporain Camille-Lambert, et à la Grande Galerie de l’Aître st Maclou. Elle a participé à la Media Art biennale Wro 09, Wroclaw (PL), à Jeune Création à Paris, au salon  de jeune création Mulhouse 008 et au Festival Bandits-Mages à Bourges. Une exposition avec l'artiste Natascha NISIC est prévue pour XX au sein de XX.